dimanche 9 décembre 2012

La notation des jeux

Auto-commentaire pré-article (il doit y avoir un vrai mot pour ça) : Juste pour dire d'avance que je trouve moi-même le thème de mon article, bien qu'intéressant, un peu facile et aisément défendable (c'est mon impression en tous cas), néanmoins je trouve qu'on en parle que trop rarement alors que je trouve ça important, donc voilà j'en parle hop. Je sens que le point de vue du monde entier va changer grâce à mon courage. SUPER !!

La remise toute fraiche des VideoGame Awards 2012, ainsi que larécente émission d'Arrêt sur Images à propos du journalismevidéoludique français (c'est payant mais c'est bien), où Ivan le fou évoquait justement le problème de la notation des jeux, m'ont fait réfléchir à ce truc auquel je pense depuis déjà longtemps. Noter un jeu a-t-il du sens ? Réduire une expérience interactive à un barème de 1 à 10 est-il justifiable ? Certainement pas, mais certains diront que ça a l'avantage d'être pratique.


Une cotation prise au hasard sur JV.com. Ah tiens c'est Skyward Sword.

Je ne suis pas le seul, je pense, à sauter sur la note finale de jeuxvideo.com dès la sortie du test d'un jeu que j’attends. Bien que je ne leur accorde qu'une valeur très relative (ouhlàlà la grosse dénonce), un seul coup d’œil sur un chiffre et déjà une idée générale de la qualité du soft auquel je n'ai même pas touché germe dans mon esprit. Bien sur celle-ci sera ensuite confrontée à une lecture plus approfondie, puis à la comparaison à d'autres avis, qui en fonction du crédit que j'accorde à leur auteur aura plus ou moins de valeur dans ma très méfiante balance mentale. Mais reste que la note est la première chose que l'on voit, et qu'elle déteint ensuite sur tout ce qu'on lira ou pensera du jeu non joué.

Alors oui d'un certain point de vue c'est pratique, ça permet de se forger un avis très vague et général d'un titre en évitant, par exemple, le spoiler potentiel d'un texte trop descriptif. Mais en vrai, c'est nullos. Tout simplement parce que, et je vais dénoncer comme un gros déglingo un truc auquel je suis bien évidemment le seul à avoir pensé, les jeux, même si ils contiennent des mécanismes qui peuvent - théoriquement - être objectivement considéré comme bons ou mauvais, restent des expériences grandement subjectives. Note-t-on un album de musique ou un film ? En fait oui, on le fait aussi, et c'est tout aussi stupide, zut. Alors heu heu note-t-on un tableau de Matisse ou une promenade en forêt ? Je crois que des gens doivent sûrement le faire. Mais crotte enfin, impossible d'argumenter dans un monde pareil.


Là il me fallait une image pour illustrer la compétition.

Quoi qu'il en soit, cette mathématisation, permettant de comparer par exemple Journey à un lave-vaisselle, réduit donc le jeu à une suite de paramètres quantifiables et universels qui me semblent tout à fait faux. Zelda Skyward Sword est par exemple, et selon les testeurs de JV.com indubitablement et mathématiquement meilleur (18/20) que Ghost Trick (17/20), ce qui n'est absolument pas mon avis du tout, tout le monde sait bien que Skyward Sword est objectivement une grosse bouse (oui j'ai choisi l'exemple exprès pour dire du mal). Bien sur, tout le monde sait que les notes sont subjectives, mais l'inconscient lui, voit ces chiffres et ne peut s'empêcher, de la même façon qu'on l'a noté étant enfant à l'école, de conserver dans un coin de son cerveau ce petit barème de qualité indubitablement scientifique. Par ailleurs tout cela induit un autre problème plus latent et typique de la société qui est la compétition généralisée, mais là on atteint des sphères de critique et d'analyse humaine qui méritent un meilleur auteur que moi (mais c'est aussi là que la remise des VGA rejoint le thème de l'article, la subjectivité tout ça...)

Signalons tout de même le fait que JV.com, comme beaucoup d'autres sites et magazines, décortique le jeu en plusieurs paramètres (scénario, musique, jouabilité ...) côtés indépendamment. Bien évidemment ça n'est absolument pas mieux qu'une seule note, c'est limite pire car chacun de ces aspects du jeu sont sujets à une appréciation subjective sans soute encore plus diversifiée au sein des joueurs, dénuant encore plus le sens de ces notes indépendantes. Un autre faux contre-exemple est celui de la sympathique chaîne NoLife, qui ne ponctue aucun de ses tests par une note. Néanmoins si la pratique était méritante pendant plusieurs années, le nouvel habillage des tests (datant de cette année) gâche le parti-prit en concluant le test d'une petite animation qu'il est très simple de traduire en une note concrète (petite animation très rigolote soit dit en passant). La problématique est néanmoins un peu différente, de part le format télévisuel empêchant de toutes façons le téléspectateur de ne prendre connaissance que du chiffre sans regarder le reste de la vidéo.  


J'aime bien quand les gens d'EXP ils font du hip-hop. Si si c'est rapport à l'image.

Même Canard PC, l'élève modèle (qui aborde d'ailleurs un autre aspect du même problème dans le dernier éditorial d'Omar Boulon, soit dit en passant), se rabaisse à côter ses jeux d'un gros chiffre rouge, un fait que regrette visiblement Ivan le Fou dans l'émission cité en début d'article. Heureusement ceux-ci se permettent de faire un peu n'importe quoi avec le procédé, en donnant par exemple à Dishonored un joli 15/10 pendant que L'incroyable Hulk se tape -4/10 et que l'ensemble des DLC de Dragon Age doivent se contenter d'un gros Beurk/10. C'est comique certes, mais ce ne sont que des exeptions. Ivan le fou se justifie en précisant que ce sont les joueurs qui veulent des notes. Tant qu'ils seront habitué à cette norme, l'absence de celle-ci sera, en effet, forcément perturbante, et il semble que ce n'est pas de sitôt que ce fonctionnement mathématique et compétitif disparaîtra, ou même bougera ses coudes pour laisser à l’approximatif et au ressenti personnel une petite place sur la table de la vie professionnelle. Pourtant ils sont, de mon point de vue, bien plus souvent cohérents avec la réalité. Dommage pour moi.

5 commentaires:

  1. Un article intéressant, sur la critique. Je crois que tu abordes très précisément le point central du problème au moment où tu te dis non-qualifié pour le faire. C'est bien le problème de la logique de compétition qui amène ce besoin de notations et de classement.

    Cela dit, je crois n'avoir jamais donné de notes à aucun test, et toi non plus, donc nous avons déjà conscience de ce problème depuis un moment. Il est cependant intéressant de le reformulé. J'espère que ça amènera un débat.

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  2. Pour moi, la note attribuée à un jeu répond principalement à un besoin simple : le guide d'achat et particulièrement le guide d'achat à l'attention du néophyte. Avec une note, il n'y a plus besoin d'avoir une connaissance globale du jeu vidéo (voire du sous-genre auquel appartient le jeu noté) pour se faire une opinion comme le requiert la lecture d'un test descriptif. Avec une note, tu places le jeu sur une échelle que n'importe qui peut aisément comprendre et au final la personne peut se dire "ouah, 18/20, ce jeu doit clairement être dément ! Je cours l'acheter". À mon sens, aujourd'hui, ça facilite grandement les gens qui désirent acheter un jeu vidéo sans forcément qu'ils soient des fin connaisseurs du genre .

    À l'opposé de la note, je vois plus le test comme le récit de ce qu'a ressenti le joueur en jouant. Pour le coup, en lisant un test j'ai plus l'impression que c'est comme si tu avais un pote qui te racontait son expérience du nouveau jeu qu'il vient d'acheter. Le testeur cherche à communiquer pourquoi le jeu lui a fait penser à telle ou telle chose ou ressentir telle ou telle sentiment (en tout cas, c'est ce que j'éprouve quand je lis un test de Zanarkand par exemple). Le test, à mon avis, s'adresse donc à un autre public plus concerné par le caractère artistique et l'expérience procurée par un jeu sans se limiter au facteur fun / amusement dégagé par le jeu.

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  3. C'est un point de vue intéressant et certainement en grande partie vrai, mais je pense que la note influence tout le monde, même inconsciement - y compris ceux qui ont lu l'article complet - et que cela contribue - comme je le dis dans l'article - à une certaine forme de mathématisation globale, et à cet esprit de compétition bizarre. Par ailleurs, je crois qu'un néophyte sera, à part dans le cas de certains sites très spécialisés, généralement capable de lire et de comprendre l'article sans passer tout de suite à la note. Un certain soucis d'accessibilité se généralise dans le jeu vidéo depuis pas mal d'années, y compris dans les sites parlant de celui-ci (JV.com par exemple et ses petites info-bulles sur les mots compliqués).

    Par ailleurs et néanmoins, les néophytes, je pense, restent largement minoritaires dans le groupe des lecteurs de tests de jeux vidéos. Ceux qui ne jouent que rarement seront sans doute plus influencés par une jaquette, une pub ou un conseil d'ami, que par la note d'un test sur un site spécialisé. Enfin, je me trompe peut-être hein, mais c'est mon impression.

    Et sinon rien à voir mais je me rend compte en y réfléchissant que je suis peut-être passé à coté d'un article parlant plus de la façon d'aborder le test de jeu vidéo, plutôt de façon technique et descriptive, tel un produit ménager, ou plutôt en exprimant un ressenti, comme un film ou un livre. La note n'est peut-être qu'une certaine résultante de la première méthode.

    Bon je sais pas c'est trop compliqué on est dimanche, j'y penserais plus tard et vous aurez peut-être une suite à ce sujet.

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  4. Je n'ai pas l'impression que tu sois passé à côté, c'était une bonne introduction pour y venir, que dis-je, un a propos, un préambule, une introduction, une note au lecteur, un préambule (un pré en bulle, magnifique image, non ?), des notes préliminaires, une notice liminaire ou encore de magnifiques prolégomènes pour la suite de l'aventure. A moins que tous ces mots ne soient que des propositions pour répondre à ton début d'article en italique.

    Je pense qu'il y a pas mal de lecteur occasionnels de tests, qui les survolent et s'intéressent aux notes, mais difficile à évaluer. Je pense aussi que les gens qui s'achètent une console le fond d'abord parce qu'ils ont joué à un jeu en particulier chez un pote, et donc achètent d'abord ce jeu, puis d'autres par bouche à oreille avant tout.

    Je trouve que ce que tu dis Vincent, ou devrais-je dire Clad ?, est intéressant. Il est vrai que certains magazines ou certains tests sont écrits comme des articles de catalogue de vente. Le but est de vanter un produit afin qu'il soit acheté. Le test sert à ajouter une valeur symbolique à un jeu vidéo, comme le fond les marques pour les produits de consommation. C'est d'ailleurs de pire en pire avec la transformation des séries de jeux vidéos en franchises. Maintenant on a la marque Medal of Honor, quelque soit l'époque ou la façon dont c'est réalisé, ou la marque Fifa, qui forme l'enseigne du produit, et presque se substitue à la réalité de ses réalisations. Ainsi tu joues (ou pas, on est entre gens bien) à un Fifa, sans qu'il soit besoin d'en préciser lequel. C'est triste tout ça.

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  5. Assez d'accord avec toi, Eolen (hé oui, c'est Clad), sur le fait que la motivation des gens pour acheter une console vient d'un jeu qu'ils ont pu essayer chez un de leurs amis.
    Dans les choix d'achat d'une console, j'ajouterais aussi le fait qu'une série de jeux particulières est disponible sur une machine donnée (de moins en moins vrai avec la fin des exclus sauf peut être chez les licences Nintendo) et aussi le fait qu'aujourd'hui avoir la même console qu'un pote permet de jouer online avec lui.

    D'ailleurs concernant les franchises de jeux vidéo, on se retrouve aussi à avoir des tests comparatifs entre les porte-étendards d'un genre (typiquement Fifa VS PES, Call of Duty VS Battlefield...). Les deux jeux opposés sont alors comparés sur une série de critères choisis. Dans ces cas là, j'ai l'impression de lire un comparatif pour savoir quelle voiture acheter dans un magazine spécialisé.
    Au final, ce système de franchise a de bon pour les éditeurs de jeu que ça ne déroute pas le joueur. Il aura quoiqu'il arrive chaque année sa nouvelle itération de Fifa ou Call of Duty qu'il pourra comparer à son concurrent pour se rassurer dans son achat.

    Par ailleurs, je me demande aussi si la nécessité de noter les jeux (pour les inscrire dans un besoin de compétition comme tu le dis dans l'article Mortis) n'est pas aujourd'hui encore plus nécessaire qu'auparavant. Avec la multitude de jeux vidéo (en prenant au sens large, console, téléphone, Internet) qui sort chaque mois aujourd'hui, sans pouvoir facilement les classer via une note, on ne s'en sortirait plus pour faire un choix. Au moins avec la note, tu peux déjà en éliminer une bonne partie pour restreindre facilement ta sélection (compétition, sélection, on est loin à ce moment de l’œuvre d'art :)).

    Sur ce je m'en vais me préparer pour la fin du monde (en espérant quand même qu'on aura droit à un petit sursis pour te laisser le temps de rédiger un nouvel article Mortis ! :))!

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